Magie bretonne

Aujourd’hui, j’ai envie de partager avec vous un nouvel extrait de mon projet « Quéménès », comme un petit avant-goût de ce que je pourrai (j’espère) bientôt vous livrer en entièreté…

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Parfois, je me disais que les enfants des îles avaient peut-être du sang de poisson ou des gènes de sirène cachés en eux. Et pour cette raison, ils ne pouvaient pas s’éloigner trop longtemps de la mer. Elle leur était vitale. Je me disais aussi que les îles étaient vivantes. Qu’une fois qu’elles nous avaient choisis, elles nous gardaient pour toujours. Et qu’elles connaissaient tout de nous. Nos peurs, nos joies, nos peines. Elles s’y adaptaient et nous guidaient.

Dans les légendes bretonnes et celtiques, les îles occupent une place particulière. Elles sont considérées comme des lieux de passage, des fragments de l’autre monde, des pierres de gué qui permettraient d’y accéder, des lieux d’enchantement.

Lors de mes balades sur l’île, j’avais souvent l’impression de sentir de la magie. Venant des pierres, des plantes, venant du vent qui souvent soufflait autour de moi, venant de la mer, des vagues qui s’échouaient à mes pieds.

Je lisais beaucoup, j’avais l’âme romantique et je savais que mon imagination débordante me laissait croire ou entendre des choses qui n’existaient pas. Mais depuis mon arrivée sur Quéménès, il me semblait que la frontière entre réel et irréel, rationnel et irrationnel, était devenue plus ténue, presque transparente à certains endroits. Le menhir qui se dressait au sud de l’île, vers les côtes sauvages et mouvementées, était un de ces lieux. On ne pouvait pas y rester trop longtemps, de peur de basculer de l’autre côté, comme si une force nous attirait vers quelque chose d’invisible. C’était mon sentiment.

Parfois je me testais. Je me collais au menhir, l’entourais de mes bras comme un vieil ami, je fermais les yeux. Puis j’attendais, ouvrant tous mes sens, prête à accueillir ce que Quéménès voudrait me donner, me dire. J’écoutais le vent, j’écoutais les oiseaux, j’écoutais tous les bruits de la nature. J’humais l’air, l’odeur de la pierre et des fougères, l’odeur d’iode. J’ouvrais les yeux et les laissais vagabonder autour de moi, sans but précis. Au début l’expérience était relaxante, apaisante, comme de la méditation. Mais je ne captais aucun message, aucune réponse à mes questions, aucun indice.

« L’épouvante, l’émerveillement », de Béatrix Beck

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Voici un petit bijou, une perle d’innocence qui nous ramène dans l’univers de l’enfance, et de ses émerveillements. Un petit trésor pour illuminer ces moments où le noir déferle et recouvre malgré nous nos pensées et le monde qui nous entoure.

L’épouvante, l’émerveillement a été écrit par Béatrix Beck en 1977. Après dix ans de silence, ce court roman marque le retour en littérature de l’auteure française d’origine belge, qui avait obtenu en 1952 le Prix Goncourt pour Léon Morin, prêtre.

Par ce roman, Béatrix Beck nous fait suivre l’évolution d’une petite fille, Paméla, de ses 2 mois à ses 13 ans. L’originalité et la virtuosité de son récit tiennent au fait que, pour l’écrire, elle emprunte littéralement la voix de cette petite fille. Au travers de monologues, puis dès qu’elle est en âge de parler, de dialogues avec sa mère et sa grand-mère, le lecteur entre dans la tête de Paméla, explore le monde de son point de vue, grandit avec elle, s’étonne, s’émerveille, s’épouvante parfois, se questionne et s’ouvre aux autres. Le récit se fractionne en suivant l’âge de la petite fille. Tantôt drôle, tantôt triste et dramatique, c’est un roman poignant, émouvant. En voici quelques extraits :

1 an
On m’a mis des bottines qui font un bruit agréable. Mes bottines marchent partout quand mes pieds sont dedans. En me pliant en deux, je vois mes bottines de tout près, je les touche avec mon nez. Elles sont lisses. Je marche partout, je peux aller partout, je peux tout.

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« Pourquoi il est tout plat, le balai ?
– Pour pouvoir aller partout.
– Partout !
– Oui, bien sûr.
– Il va là-bas ? Dans la forêt ! Dans le ciel ! Partout !
– Il n’a pas d’ailes, il ne peut pas se promener tout seul.
– Les fusées, elles n’ont pas d’ailes et elles peuvent.
– Le balai n’est pas une fusée.
– Pourquoi le balai n’est pas une fusée ? »

7 ans
« Ton avion, il va pas tomber ?
– Non, non.
– T’es sûre ?
– Pratiquement, oui.
– Si tu tombais dans la mer, tu serais morte ?
– Peut-être.
– J’aimerais pas que tu serais morte. »

Béatrix Beck réussit pour moi un tour de force : son style évolue avec l’enfant qui grandit. C’est magnifiquement écrit.

Il s’agirait presque, à certains moment, d’une leçon de psychologie du développement. Si vous avez des enfants, vous ne pourrez qu’être interpellé par la lecture des passages où on lit les mots de Paméla bébé.

On découvre d’abord le rapport au monde du tout-petit, son rapport au corps, à soi, à sa mère qu’il conçoit encore comme partie intégrante de lui-même, puis peu à peu sa maîtrise de lui-même, de son environnement. Ensuite, avec la petite fille, on s’interroge sur la vie, sur la mort (on lit entre les lignes qu’il y a des bombes, du sang, la maison est détruite, le récit se déroule sur fond de la guerre d’Algérie), mais aussi sur les rapports aux autres (notamment l’antisémitisme). Si les questions de l’enfant sont essentielles, les réponses de sa mère et sa grand-mère sont pertinentes et intelligentes. On suit les rebondissements de la pensée de Paméla, qui est d’une vivacité rafraichissante. L’amour, le lien mère-fille-grand-mère se construit également au travers des dialogues qui structurent le roman. C’est un livre-pépite, lumineux, bourré de choses merveilleuses et profondes qui nous font rebondir sur nous-même et sur notre appréhension des autres. Un livre qu’on referme et qu’on rouvre, qu’on garde près de soi comme un trésor.

Pour ne rien gâcher, la réédition de 2015 aux éditions du Chemin de fer est joliment illustrée par Gaël Davrinche. Les dessins ajoutent une dimension onirique et poétique aux magnifiques textes de Béatrix Beck.

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Béatrix Beck (1977), L’épouvante, l’émerveillement, Les éditions du Chemin de fer, 2015, 88 pages.

Après Paris

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L’être humain est le pire animal que la Terre ait porté. Capable du pire, coupable de l’horreur sanglante dont nous avons encore été témoins cette nuit à Paris (gardons à l’esprit, d’ailleurs, que cette horreur, certains la vivent chaque jour dans leur pays en guerre). Destructeur, gaspilleur, égoïste, fou, stupide, monstrueux. Le monde ne se porterait-il pas mieux sans nous ? C’est ce que j’ai envie de penser, quelques secondes après avoir appris les actes innommables commis si près de chez nous. Quelques secondes après m’être rendue à l’évidence : non, ce n’est pas une blague, non ce n’est pas un mauvais rêve, non nous ne sommes pas le 1er avril, juste le vendredi 13 novembre. Pourquoi ? Au nom de quoi ? Au nom de qui cette folie ? Mes questions restent sans réponse valable. Il n’y en a pas bien sûr. Mais bien vite, je vois d’autres images. Des gens traumatisés, apeurés, qui se soutiennent. D’autres qui affluent pour offrir leur aide, qui questionnent. Tous ont les larmes aux yeux, tous ont des gestes de fraternité, des gestes humains. Car le qualificatif humain s’applique aussi et surtout à cela : la compassion, la gentillesse, la sensibilité, la faiblesse de l’homme dans ce qu’elle a de plus grand. L’homme est bien au-dessus des atrocités commises cette nuit. Ce ne sont pas des hommes qui ont posé ces actes, ce n’étaient plus des hommes car toute humanité avait disparu en eux au moment précis où ils ont appuyé sur la gâchette, encore et encore, pour tuer, au moment précis où ils ont poussé sur le déclencheur des explosifs qu’ils portaient. Comment, sinon, auraient-ils pu accomplir cela ? Pardonnons-leur, ils n’étaient plus des hommes, juste les instruments de quelque chose que je ne comprends pas.

Mais comment réagir après cela ? Que dire à nos enfants qui, forcément, sont confrontés aux images et aux paroles qui défilent toute la journée sur nos écrans ? Ce sont des méchants, me dit mon fils. Oui, ce sont des méchants. Comment expliquer sinon que des hommes en tuent d’autres ? Est-ce de cette façon qu’ils verront le monde qui les entoure ? Des méchants qui tuent des autres et des gentils qui attrapent les méchants pour les punir ? Ce n’est pas si simple… Mais je suis persuadée qu’il faut les protéger. Rien ne sert de les confronter à une réalité trop complexe pour qu’ils l’appréhendent, trop horrible pour que nous la comprenons. Ils grandiront bien trop vite. Le monde dans lequel ils vivront ne leur fera certainement pas de cadeau. Alors c’est cela qu’il faut qu’ils sachent : l’homme est capable du pire, c’est vrai, mais surtout du meilleur. Il faut leur donner confiance en eux, confiance en l’homme. Il faut leur apprendre le bonheur, leur montrer que celui-ci est un choix, malgré tout. Malgré les pires atrocités. Il faut leur apprendre à rester debout, à regarder vers la lumière. Et toujours, à porter un regard indulgent et aimant vers leurs voisins, mêmes les plus éloignés, toujours accueillir ceux qui en ont besoin, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent.

Book journal


Hier, en me baladant dans le rayon papeterie d’une librairie, j’ai découvert ce qui, pour moi, est un petit trésor : le « Book journal », créé par Moleskine.

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Si, comme moi, vous adorez la lecture, les carnets, l’écriture à la main, le « Book journal » est fait pour vous !

Il s’agit d’un carnet Moleskine, couverture noire rigide, format 13 x 21 cm, dans lequel tout est prévu pour que vous puissiez noter et critiquer chacune de vos lectures. Comme dans un carnet d’adresse, on trouve des onglets alphabétiques pour pouvoir classer les livres lus par ordre alphabétique de titre. Une page se structure de la manière suivante : une section titre en haut à gauche, la date de lecture, l’auteur, les informations concernant l’éditeur, la date d’édition, la langue originale dans laquelle l’ouvrage a été rédigé, les prix reçus… Puis une place est prévue pour recopier une citation du livre, et une autre pour rédiger son avis, assortie de 5 étoiles à noircir pour donner une cotation à la lecture. J’ai déjà commencé à le remplir avec plaisir ! Voici une photo d’une des pages, pour vous donner une idée.

Photo du 25-10-15 à 08.42

Mes lectures de septembre et octobre

Le temps m’a manqué ces dernières semaines pour alimenter le blog. Mais j’en ai quand même trouvé pour lire !

Dans cet article, je vous propose mes lectures de ces deux derniers mois.

J’ai lu : Plonger, de Christophe Oni-Dit-Biot ; L’Attrape-Coeurs, de J. D. Salinger ; Le Magasin des Suicides, de Jean Teulé ; Rien ne s’oppose à la nuit, de Delphine de Vigan ; les tomes 1 et 2 de L’Arabe du futur, de Riad Sattouf ; et j’ai commencé L’intensité secrète de la vie quotidienne, de William Nicholson.

Christophe Oni-Dit-Biot, Plonger, Gallimard,  2013, 444 pages.

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Ce roman a reçu le Grand Prix de l’Académie française, excusez du peu ! J’ai beaucoup aimé, j’ai été séduite et émue par cette histoire d’amour magnifiquement écrite entre deux êtres que pourtant tout oppose.

César est journaliste, Paz est une artiste exceptionnellement douée. Il la rencontre  par hasard dans une petite épicerie de quartier et tombe immédiatement sous son charme. Il mettra tout en oeuvre pour la revoir, et la séduire. Jusqu’à écrire une critique élogieuse sur son exposition de photos. Leur rencontre se passe plutôt mal car elle lui reproche de n’avoir rien compris à son art, de l’avoir dénaturé par son article. Pourtant, ils tombent amoureux. Elle lui fait découvrir les Asturies, son pays natal, et c’est là que leur amour s’élabore et explose. Mais peu à peu, à leur retour à Paris, des fissures de plus en plus larges apparaissent dans leur relation qui s’effrite mais que César peine à vouloir reconstruire et garder, coûte que coûte. Elle est enceinte mais décide d’adopter un requin et s’attache à l’animal bien plus qu’à son enfant à naître. Elle a soif d’ailleurs, d’horizons lointains et hors d’Europe. Lui a déjà connu cet ailleurs et le craint. Paz étouffe et décide un jour de quitter son amant et leur fils nouveau-né pour assouvir sa quête d’exotisme. César abandonné n’a presque plus de nouvelles de la mère de son fils, qu’il élève seul. Jusqu’au jour où il reçoit un coup de téléphone lui annonçant qu’on a retrouvé le cadavre de sa femme sur une plage du Moyen Orient. Il part pour une dernière rencontre avec sa femme, et pour tenter de comprendre son départ et sa mort.

Ma note : 4,5/5

J.D. Salinger (1951), L’Attrape-Coeurs, Pocket, 2005, 257 pages.

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Je ne m’aventurerai pas dans la critique (déjà réalisée maintes et maintes fois) de ce roman à part, devenu un grand classique de la littérature américaine du XXe siècle. Je l’ai enfin découvert, avec un immense plaisir. J’ai adoré le style particulier et unique de Salinger, et j’ai suivi avec émotion le récit de son héros attachant, drôle et marginal. Si ce n’est déjà fait : lisez-le ! Voici un extrait, le début du roman :

Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c’est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d’enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m’avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j’ai pas envie de raconter ça et tout. Primo, ce genre de trucs ça me rase et secundo mes parents ils auraient chacun une attaque si je me mettais à baratiner sur leur compte quelque chose d’un peu personnel.

Ma note : 5/5

Jean Teulé, Le Magasin des Suicides, Pocket, 2008, 160 pages.

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Le Magasin des Suicides est un livre amusant et facile à lire. L’écriture de Jean Teulé est incisive, cruelle et drôle. L’histoire se déroule dans un monde fictif rongé par la dépression, dévasté par les catastrophes naturelles et le réchauffement climatique. Les héros sont la famille Tuvache, propriétaires et tenanciers d’un magasin de suicides, proposant toutes sortes de produits destinés à faciliter le suicide de leurs clients. Monsieur et Madame Tuvache aident les visiteurs de leur boutique à choisir le moyen le plus adapté pour mettre fin à leurs jours. Leur fils ainé est anorexique et souffre de maux de tête si violents qu’il est obligé d’enserrer son crâne de bandages. Leur fille est grosse et mal dans sa peau. Puis nait leur petit dernier, un ovni dans la famille, un rayon de soleil qui rit, chante et fait montre d’une éternelle bonne humeur, à toute épreuve. Sa présence constituera un véritable bouleversement pour chacun des membres de la famille, ainsi que pour le magasin de ses parents. Cette lecture fut divertissante, mais pas transcendante.

Ma note : 3/5

Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, JC Lattès, 2011, 440 pages.

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Voici une auteure que je suis très heureuse d’avoir découverte ! Rien ne s’oppose à la nuit est un roman autobiographique, dont la narratrice est Delphine de Vigan elle-même. Suite à la mort de sa mère (Lucile), elle décide d’entreprendre un long et douloureux voyage intérieur pour tenter de lui rendre hommage, de la décrire au travers de son évolution au sein de sa famille (très) nombreuse. Une famille marquée par le décès brutal d’un enfant (le frère de Lucile), puis par l’adoption d’un autre, comme pour le remplacer (et qui se suicidera à l’adolescence quelques années plus tard). Marquée par la naissance d’un dernier-né mongolien. Lucile évolue au milieu de cette marmaille, encaisse les traumas collectifs, et – très probablement – le viol de son père. Lorsqu’elle devient mère à son tour, progressivement elle sombre dans la folie. L’enfance de la petite Delphine et de sa soeur dérive au rythme des crises et des extravagances de leur mère, jusqu’au point de non-retour et à son internement. Delphine de Vigan ponctue son récit à la troisième personne de passages en « je » dans lesquels elle nous fait part de ses démarches, de ses hésitations dans le processus de recueil de témoignages (auprès de ses oncles et tantes), puis d’écriture. J’ai adoré ce livre, que j’ai dévoré en quelques jours. Le lecteur est happé dans cette histoire de famille à la fois triste et joyeuse, dramatique et pleine d’espoir, poignante.

Ma note : 5/5

Riad Sattouf, L’Arabe du futur, Allary Editions, Tome 1, 2014, 160 pages ; Tome 2, 2015, 160 pages.

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Une fois n’est pas coutume, voici un compte-rendu de lecture d’une bande dessinée: le très connu Arabe du futur de Riad Sattouf.

Ici encore il s’agit d’un récit autobiographique : l’enfance de Riad Sattouf au Moyen Orient, de 1978 à 1984 dans le premier tome, et de 1984 à 1985 dans le deuxième tome. Le premier tome raconte la rencontre des parents du jeune Riad, en France. Sa mère est bretonne et étudie à Paris, son père est un Syrien venu étudier en France, en quête de reconnaissance et de notoriété. À la fin de ses études il obtient un poste dans la Libye de Khadafi. Puis, après un bref retour en France, la famille part vivre en Syrie (sous la dictature d’Haffez Al-Assad), près de la famille du père de Riad. Ce dernier, petit garçon blond et délicat, dénote au milieu de ses camarades bruns et un peu brutes. Terrorisé à l’idée d’entrer à l’école (ce à quoi son père tient plus que tout car il accorde une grande importance à l’éducation), il finit tout de même par trouver sa place. C’est ce que relate le deuxième tome. À travers cette histoire familiale, racontée avec beaucoup d’humour et de pudeur, on découvre un pan de l’histoire contemporaine, le Moyen Orient d’il y a 30 ans, écartelé entre progrès et archaïsme. J’ai beaucoup aimé et c’est une lecture que je vous conseille vivement !

Ma note : 4,5/5

William Nicholson, L’intensité secrète de la vie quotidienne, Le Livre de Poche, 2014, 600 pages.

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Je ne m’étendrai pas sur cette dernière lecture, car je ne l’ai pas encore terminée. Ce que je peux vous en dire : l’histoire se déroule dans la campagne anglaise (le Sussex) et retrace quelques jours de la vie quotidienne d’une douzaine d’habitants d’un petit village. Pour le moment, ce roman ne me passionne pas, j’ai beaucoup de mal à entrer dans l’histoire (et pourtant j’ai déjà lu une centaine de pages). À tel point que j’ignore si j’aurai le courage de le terminer. L’intrigue met beaucoup de temps à s’installer, l’auteur nous fait passer d’un personnage à un autre et on aimerait rester davantage avec le même. Je ne donnerai pas encore de note car je préfère ne pas m’avancer avant de connaitre toute l’histoire. À suivre, donc…

Et vous, avez-vous déjà lu un de ces livres ? Qu’en avez-vous pensé ? Que lisez-vous pour le moment ? N’hésitez pas à me laisser un commentaire !

« Ma cousine Rachel », de Daphné du Maurier

Il est certaines fois où, n’étant pas d’humeur, distraits par quelqu’un ou quelque chose, nous commençons une activité pour l’abandonner un instant plus tard, trop vite. Certaines de nos lectures restent ainsi inachevées alors que dans d’autres circonstances, elles auraient pu nous passionner. Dans un précédent article, je citais ainsi plusieurs de mes « lectures inachevées ». Aujourd’hui je suis heureuse de pouvoir vous parler de l’une d’entre elles, car je l’ai finalement (et avec bonheur) achevée.

Il s’agit d’un roman de Daphné du Maurier : Ma cousine Rachel.

Rachel

La romancière anglaise a la réputation d’être une reine du suspense. Elle ne fait pas défaut ici à ce qui fit son renom : il ne m’a fallu qu’un court chapitre (dix petites pages) pour être happée par l’histoire, captivante, du jeune Philip Ashley.

Dès le début celui-ci se pose une question : Rachel a-t-elle, oui ou non, tué son cousin Ambroise ? Le récit est à la première personne (celle de Philip) et nous fait suivre ses questionnements, ses pérégrinations jusqu’en Italie pour découvrir la vérité, puis ses doutes et, finalement, son désespoir. Philip est orphelin, très tôt recueilli et élevé par son cousin Ambroise, de 20 ans son aîné. Célibataire endurci, celui-ci élève Philip comme son propre fils, et héritier de son beau domaine de Cornouailles. Ambroise a des problèmes de santé, il quitte l’Angleterre durant la saison froide et humide pour la passer dans le Sud de l’Europe. C’est en Italie qu’il rencontre celle qui sera sa femme, une lointaine parente (qu’il appelle cousine) : Rachel. Philip est jaloux, sans se l’avouer. Alors que tout le monde au domaine se réjouit du mariage du maître, lui a l’impression de perdre l’être qui lui est le plus cher. Ambroise doit bientôt revenir en Angleterre avec sa femme. On l’attend. Mais il tombe malade, ses lettres sont de plus en plus confuses et inquiétantes, jusqu’à cette dernière missive qui parvient à Philip alors qu’il s’apprête à partir pour l’Italie retrouver (et sauver) son cousin :

« Pour l’amour de Dieu, viens vite. Elle a enfin raison de moi, Rachel mon tourment. Si tu tardes, il sera peut-être trop tard, Ambroise ».

Et, de fait, Philip arrive trop tard. À la villa Sangaletti, propriété de sa cousine Rachel et où habite le couple, il ne trouve que deux domestiques. Qui lui apprennent que leur maître, Ambroise, est mort d’une longue maladie. La maîtresse a quitté la villa en emportant toutes ses affaires. Où ? Ils l’ignorent. Philip, accablé, décide de se rendre chez l’homme d’affaires de sa cousine Rachel, Rainaldi. Il ne lui en apprend pas davantage. Et Philip n’a aucune confiance en lui. Le jeune homme revient en Angleterre, porteur d’une bien triste nouvelle. Mais il est décidé à découvrir la vérité sur la mort de son cousin, à le venger. Il est persuadé que la coupable (l’empoisonneuse) est sa cousine Rachel. Jusqu’au jour où Rachel débarque en Angleterre, jusqu’à ce qu’il fasse enfin sa connaissance et tombe sous son charme.

Le lecteur est tenu en haleine jusqu’à la dernière page. Aussi ne vous en révélerai-je pas davantage sur l’intrigue, pleine de rebondissements, de ce roman qu’on pourrait aisément classer dans le genre du thriller psychologique.

Daphné du Maurier (1951), Ma cousine Rachel, Le livre de poche, 2012, 383 pages.

« Les Intéressants », de Meg Wolitzer

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Une de mes lectures de vacances.

Été 1974. La jeune Julie vient de perdre son père d’un cancer. Elle passe une partie de ses vacances dans un camp encourageant les dispositions artistiques : Spirit in the Wood, peuplé surtout de jeunes New-Yorkais de bonne famille. Julie se sent en décalage par rapport à ses camarades, elle qui vit dans une banlieue « classe moyenne », avec une mère veuve et fauchée. Mais voilà qu’une de ces jeunes filles qu’elle envie la convie à une réunion clandestine. Ils sont six entre 15 et 16 ans : Julie (que ses camarades vont très vite rebaptiser « Jules »), Ash, Cathy, Ethan, Jonah et Goodman. Ce soir-là, ils décident de se surnommer « Les intéressants ». Et cette façon de se déterminer eux-mêmes va conditionner leurs choix de vie.

À travers le regard confusément envieux de Jules, le récit, passionnant, nous fait suivre 40 années de l’existence de ces autoproclamés « intéressants ». Le qualificatif intéressant se situant ici selon moi à la croisée de deux significations : prétentieux, mais aussi « à part », doté d’un talent qui le singularise.

Leurs destins se croisent et se décroisent, se retrouvent toujours.

Ash, belle et talentueuse, délicate, deviendra une metteuse en scène recherchée de la scène théâtrale branchée new-yorkaise. Ethan, avec qui elle se marie au grand étonnement de tous, est le seul à se démarquer vraiment : il crée une série d’animation qui connaîtra un succès planétaire. Jonah, fils d’une chanteuse country à succès des années 1970 mais qui peinera à renouer avec la réussite dans les décennies suivantes, aurait pu lui aussi devenir un artiste talentueux et reconnu, sans un événement survenu dans son enfance et qui brisera à jamais cette part de lui-même. Goodman, le frère de Ash, est le mauvais garçon de la bande. Enfant gâté et fainéant, nonchalant et sûr de lui et de son charme. Mais un drame se joue à l’aube de sa vie d’adulte, cassant net toutes les possibilités qui lui étaient offertes. Cathy, aspirante danseuse, se détachera de la bande après le drame. Et Jules cherchera dans un premier temps à devenir actrice, enchainant les cours et les castings, pour finalement, désillusionnée et réaliste, se tourner vers une carrière de psychothérapeute. Jules, personnage central, peine à faire le deuil de cette existence qu’elle aurait voulu intéressante et qui finalement lui semble si banale.

Les Intéressants est avant tout un roman sur l’amitié. C’est également une saga qui nous fait traverser l’histoire des Etats-Unis des années 1970 jusqu’aux années 2010. Le récit est loin d’être linéaire, il nous fait sauter d’une époque à l’autre, du présent présumé au passé « flashback ». Y flotte aussi le parfum de la nostalgie, d’une enfance et d’une adolescence où tout semblait possible, où l’avenir s’ouvrait à nous, radieux et victorieux. Puis arrive la vingtaine et le champ des possibles rétrécit légèrement, doucement. Puis vient la trentaine, sans crier gare, et l’on s’aperçoit que nos rêves nous ont filé entre les doigts. Le deuil de l’enfance et de ses rêves est-il inéluctable ? Seul Ethan y échappera, mais sera-t-il plus heureux pour autant ? Le passage à l’âge adulte ne consisterait-il pas justement en cela : apprendre à se connaître suffisamment pour faire les choix qui nous rendront les plus heureux, en fonction de nos possibilités et de nos talents, et faire le deuil de certains rêves qui ne pourront jamais se réaliser ? Dans cette optique, certains d’entre nous se refusent à quitter le doux pays de l’enfance. Mais en grandissant, en vieillissant, ce sont d’autres rêves, d’autres envies, qui peuvent naître en nous et nous rendre heureux. Les Intéressants nous parle de tout cela, de ces désirs qui nous habitent, de ces changements qui nous font évoluer, de ces rencontres qui nous grandissent.

 Meg Wolitzer, Les Intéressants, Editions Rue Fromentin, 2015, 564 pages.

Lectures inachevées

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Voilà bien longtemps que je n’ai pas publié de compte-rendu de lecture…

Ces derniers temps, j’ai commencé beaucoup de livres, pour abandonner quelques pages plus tard. Soit l’histoire ou le cadre ne correspondaient pas à mon humeur, soit, malgré ma persévérance, aucun élément n’était suffisant pour capter pleinement mon attention.

Lorsque je lis un livre, il faut que cela soit passionnant. Il faut que je puisse m’oublier dans l’histoire, me plonger dans les décors, voyager, m’identifier aux personnages, rire et pleurer avec eux. Aucun des bouquins que j’ai débuté récemment ne m’a fait cet effet. Mais cela ne signifie pas pour autant que ces livres n’étaient pas bons. Aussi ai-je décidé de mettre à profit mon indécision et mon éclectisme involontaire pour vous présenter tous ces volumes dont je n’ai pas eu le courage ou l’envie de continuer la lecture. Mes présentations seront brèves et sans doute incomplètes, mais elles vous donneront un aperçu de ces livres et, pourquoi pas, l’envie de les lire, contrairement à moi. Mais peut-être y reviendrai-je plus tard, me connaissant cela est bien probable.

Tout d’abord, j’ai commencé la lecture d’un roman de Daphné du Maurier intitulé Ma cousine Rachel.

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Voici la quatrième de couverture :

Philip, sans la connaître, déteste cette femme que son cousin Ambroise, avec lequel il a toujours vécu étroitement uni dans leur beau domaine de Cornouailles, a épousée soudainement pendant un séjour en Italie. Quand Ambroise lui écrira qu’il soupçonne sa femme de vouloir l’empoisonner, Philip le croira d’emblée. Ambroise mort, il jure de le venger. Sa cousine, cependant, n’a rien de la femme qu’imagine Philip. Il ne tarde pas à s’éprendre d’elle, à bâtir follement un plan d’avenir pour finir par buter sur une réalité de cauchemar. Ce don du suspense psychologique, que le nombreux public de la célèbre romancière anglaise lui reconnaît dans chacune de ses œuvres, est particulièrement présent dans Ma cousine Rachel.

Ce roman a été publié en 1951. Et j’apprends en écrivant cet article que Daphné du Maurier est un écrivain britannique assez célèbre, connue pour ses romans à suspense psychologique et criminel. Normalement je raffole de ce genre d’histoire, mais cette fois je n’ai pas su dépasser les premières pages. Je compte bien m’y remettre car tout cela me parait prometteur. Qui plus est, l’intrigue se déroule en Angleterre, plus précisément en Cornouailles. Ce qui ajoute un critère à la liste des éléments qui me plaisent dans un roman.

Daphné Du Maurier, Ma cousine Rachel, Le livre de poche, 2009, 382 pages. Lire la suite

Suspension

Photo of Hanging light bulbs with depth of field. Modern art

Voici la nouvelle soumise au concours de nouvelles Georges Sand, dont le thème imposé cette année est « une lumière… ».

Bonne lecture ! Tous vos commentaires sont les bienvenus, ils m’aident à progresser !

SUSPENSION

Me voici à nouveau couchée, immobilisée. Mon visage est posé dans un écrin de mousse et je regarde le miroir qui me fait face, à une dizaine de centimètres. C’est seulement la troisième fois que j’ai compris son utilité, le but recherché par ses concepteurs : il est là pour refléter la lumière. Pour éviter qu’en ouvrant les yeux on ne bute sur du noir, du vide. La lumière est rassurante, éclairante, colorante. Le miroir permet de ne pas s’affoler, comme une fenêtre illusoire et trompeuse vers l’extérieur.

Malgré cela je suis au bord de la panique. Je me force à régler et occuper mes pensées avec du concret, des événements à organiser, des inventaires, des litanies. Des listes de cadeaux lorsque Noël approche, des visages familiers qui défilent derrière mes yeux fermés.

D’abord ma mère. Ses belles boucles rondes et serrées, son air mutin, ses sourires jusqu’aux yeux. Puis plus de boucles. Ses foulards, toujours colorés. Et son regard, toujours espiègle, presqu’enfantin. Trop pour moi. Mêmes goûts, mêmes mimiques, on nous prenait pour des sœurs. Trop semblables. Elle voulait descendre vers moi, j’ai dû me hisser jusqu’à elle, devenir mère à mon tour, pour enfin la comprendre. Pour elle je choisis ce sac jaune, aperçu dans une vitrine et trop cher pour moi.

Ensuite mon frère. Si proche et si lointain. Je l’apprivoise et il s’échappe. Je l’amadoue et il s’enfuit. Comme s’il craignait d’être envahi par cette relation fraternelle, imposée et non choisie. Il se protège. Pourtant je ne le lâche pas. Pour lui je sélectionne une bande dessinée, parcourant du regard les rayons de ma librairie préférée.

Enfin mon père. La force qui m’ancre, mon apesanteur. Je fouille ma mémoire, je cherche l’exception, la surprise. Mais les idées m’échappent et je me retrouve immobilisée et couchée.

Je plie les orteils. De temps en temps je fléchis les doigts, les roule et les déroule, pour faire circuler le sang. Seules les extrémités peuvent se mouvoir, le reste de mon corps est figé.

Ma respiration s’accélère, mon cœur s’emballe. Il faut que j’arrête de me focaliser sur mes sensations. Ne surtout pas considérer le moment présent mais se projeter en avant, après. Rêver à des moments heureux. Les vacances. Elles approchent. Plus que deux petits mois, pourvu que je tienne jusque là. Je me concentre pour visualiser la lumière et la mer, pour sentir l’odeur d’iode et la chaleur du soleil, pour entendre le bruit des vagues et le clapotis des galets qui s’entrechoquent lorsqu’elles viennent s’échouer sur la plage. Mais le bruit assourdissant, habituel, revient et prend toute la place, comme un marteau-piqueur qui s’acharnerait sur mon cerveau. Les doux galets deviennent des pierres, des rocs. Je décroche et reviens au présent. Ma tension artérielle remonte et ma gorge se serre. J’ouvre les yeux et fixe la lumière reflétée par le miroir. La lumière blanche et sans éclat sur la surface lisse et sans âme. Lire la suite

Apologie de la lenteur

Big brown garden snail, isolated over white

Aujourd’hui j’ai envie de pousser un coup de gueule. Contre l’accélération qui caractérise notre société. Pourquoi tout doit-il toujours aller plus vite ?

Deux constats : nous nous plaignons quotidiennement de manquer de temps, et nous ne supportons plus la lenteur.

Les phrases du genre : « Je n’ai pas le temps de finaliser ce dossier », « Je n’ai pas le temps de faire les courses », pire « Je n’ai pas le temps de manger » ou  « Je n’ai pas le temps de m’occuper des enfants » reviennent sans cesse à nos oreilles, et dans nos bouches. Et dès lors que nous sommes confrontés au sentiment de souffrir du manque de temps, nous n’acceptons pas la lenteur. Nous voudrions que tout aille toujours plus vite, pour rattraper ce temps qui nous fait défaut. Le serpent se mange la queue.

Pourtant, nous disposons de plus de temps libre qu’il y a cinquante, voire trente ans. Mais même ce temps libre est imprégné du vocabulaire normatif : « Il faut que je termine la lecture de ce livre », « Il faut que je prenne des vacances », « Il faut que je me mette au jardinage ». Nous nous mettons sans cesse la pression. Toujours plus et toujours plus vite. La vie bonne est la vie rapide.

Cette accélération se marque sur trois dimensions : l’innovation technique, le changement social (travail et famille) et le rythme de vie. Si à la base ce sont les innovations techniques (les transports, les moyens de communication) qui ont amené de nouvelles possibilités qui ont augmenté le rythme de vie, à présent les trois dimensions s’auto-alimentent. Cela peut tout aussi bien être l’accélération du rythme de vie qui engendre les innovations techniques. Nous créons des objets, des technologies nous permettant d’éviter la lenteur. Un exemple : aujourd’hui si vous allez au McDo, vous pouvez (et d’ailleurs on vous le conseille fortement) commander votre repas sur une borne informatisée, de façon à accélérer les files d’attente. Et de nombreux autres exemples existent… Lire la suite